PLUS QUE DES MOTS : L'alphabétisation des adultes transforme des paysans illettrés en entrepreneurs sûrs d’eux

Speeches Shim

Mardi, 3 septembre, 2019
Grâce au programme d'alphabétisation, les paysans peuvent écrire et faire des calculs simples et nécessaires en affaires.
ADRA / Livatina Ranarison

Il fait noir et frais dans la pièce. Les étudiants sont assis par terre, le dos appuyé contre un vieux sommier en bois, le mur de béton nu ou de gros sacs de grains.

Sur ordre de l’enseignant, un homme se lève et s’approche du tableau. Il est chargé de résoudre les deux problèmes d’arithmétique affichés : 6.202 divisé par 7 ; 2.313 multiplié par 3. Il navigue facilement à travers la longue division et la multiplication, encore plus rapidement. Il regagne son sac de grains pendant que ses camarades applaudissent à l'unisson.

Son appui-dos lui va bien. Après tout, c'est le grain qui amène ces hommes et ces femmes ici pour apprendre. Comme ils le savent, le marché est impitoyable pour un paysan illettré.

«L’alphabétisation est un programme destiné aux adultes qui ne savent ni lire, ni écrire, ni compter», dit Vero Hanitritiniaina Antoinette, appelée Vero. Elle est alphabétiseur et animatrice de site pour le compte du projet de sécurité alimentaire ASOTRY de l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International (USAID). Les responsabilités de Vero consistent à enseigner ses propres élèves et les élèves de trois autres sites de programmes d’alphabétisation dans la région.

Le métier d’agriculteur exige des connaissances sur les variétés de cultures, les quantités, le calendrier, les formalités administratives et la vente à la pièce ou en vrac. L’incapacité de lire, d’écrire ou de compter constitue évidemment une limite. Les paysans illettrés se font piéger dans de mauvaises affaires ou en ratent les bonnes et, en général, n’arrivent pas à suivre une industrie en rapide évolution.

Dans le village d’Anaody, commune d’Anjoma, c’est un désavantage collectif. «Nous avons beaucoup d'analphabètes dans notre communauté», souligne Vero. «Nous organisions des distributions de vivres et les gens devaient signer pour recevoir leur ration. Mais la plupart n’arrivaient pas à signer leurs noms, » explique-t-elle.

Le programme d'alphabétisation ASOTRY a proposé d’apporter un changement pour tous ceux qui souhaitaient apprendre.

«Je voulais participer au programme parce que je ne savais ni lire ni écrire», dit Marie Louise Ravampionona, mère de famille âgée de 46 ans qui vient de recevoir son diplôme du programme de sept mois. «C'est mon mari qui a tout géré dans ma vie. Quand j’ai rejoint un groupe d’épargne et de crédit villageois, je ne pouvais même pas écrire mon nom et j’ai dû demander à d’autres de le faire pour moi. Je n’ai pas aimé. »

Ces sentiments sont les mêmes qui ont obligé les paysans de tous âges, hommes et femmes, à s'inscrire au programme. Après des années de peur et de honte, les adultes de cette communauté ont choisi de changer.

«Avant, s’ils devaient accomplir des formalités administratives, ils avaient peur», fait remarquer Vero. « Maintenant, ils peuvent remplir des formulaires, rédiger des documents et comprendre facilement. Les formalités administratives ne leur sont plus difficiles. En réunion, ils peuvent prendre position et exprimer leur point de vue et dans la vie de tous les jours, ils peuvent compter sur eux-mêmes pour aller au marché et vaquer à leurs activités quotidiennes. La peur est partie. »

Une fois les problèmes de mathématiques résolus, Vero appelle une jeune mère à se rendre au tableau et à écrire une phrase : Mahay manoratra aho. La femme le fait et reprend sa place au milieu des applaudissements.

Bien que les applaudissements suivent rituellement chaque bonne réponse, ils semblent particulièrement appropriés maintenant. La phrase que cette jeune paysanne vient d’écrire est le mariage parfait de l’action et du sens ; en français, cela se traduit par ‘je sais écrire’.

«J'espère que les étudiants deviendront des modèles pour la communauté, que leur vie s'améliorera et qu'ils enseigneront à leur tour aux autres membres de la communauté », dit Vero.

«Merci à ASOTRY pour ce programme», ajoute-t-elle. « C'est un moyen pour la communauté de parvenir au développement. »

ASOTRY, un projet financé par l'USAID et mis en œuvre par ADRA Madagascar, a dispensé des cours d'alphabétisation à 7.013 personnes comme Marie Louise et leur a donné le pouvoir d'améliorer leur vie.